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Témoignages de pratiquants

Sur cette page web, des témoignages, des réflexions et des commentaires pourront être publiés.

Nous avons choisi de ne pas avoir une formule "forum" car bien souvent sur d'autres sites, la moitié des interventions sont de véritables âneries sans intérêt, des critiques non constructives ou des réflexions bien réductrices de l'idée que nous voulons ici transmettre de l'Aïkido. Comme pour un journal ou un magazine spécialisé, nous sélectionnons les articles dans l'intérêt de nos lecteurs. Il ne s'agit en aucun cas de "censure" mais d'un filtre qui permettra d'élever le débat dans le respect de tous et qui sera un reflet de la qualité de l'enseignement et de la pratique de l'Aïkido dans notre dojo.

Que vous soyez pratiquant de notre club ou non, vous pouvez nous écrire. Faîtes le simplement par mail à christophepage02@gmail.com. Evitez l’anonymat.

Christophe Page

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Aurore V.

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Ne pas opposer de résistance. Entrer dans la danse. Et laisser l’opposant avancer. S’apprêter à l’attaque - une attaque non pas frontale. Décaler son point de vue puis… saisir le poignet de l’adversaire !

Là est la première clef d’un combat qui se déroule comme une large vague. Comme une vague d’Okusaï. On saisit l’autre, on tourne sur soi-même - curieux emboîtement avec le corps de l’opposant -, puis l’un des deux corps cède sans craquer. La danse est terminée quand l’autre est immobilisé face à terre, après un élégant roulé-boulé. Ainsi pourrait-on presque résumer l’aïkido, en un mouvement circulaire proche de la perfection. Et le débutant au statut d’invité s’ébaudit d’un "ho" impressionné, déjà angoissé à l’idée de sa propre prestation, une angoisse bien mal placée car figurez-vous que l’aïkido n’est pas affaire de performance.

Au dojo de Riedisheim dirigé par Christophe, où l’on est venu tester la pratique d’un art martial dans le cadre de ce dossier, règne une ambiance plutôt tranquille. Parler de "sérénité" serait déjà trop verser dans le langage spirituel, alors que l’on n’est pas du tout dans la prise de tête et assurément dans l’esprit de camaraderie.

Entrer dans la danse

Le groupe du mercredi soir est hétéroclite, les niveaux sont multiples - ce qui oblige les plus aguerris à expliquer le B-A ba aux grands débutants. Aucun ne rechigne devant une énième explication à l’élève distraite, mais, par contre, pas question de ne pas essayer, de ne pas entrer dans la danse soi-même, au motif que l’on ne connaîtrait pas les pas.

Première difficulté pour la néophyte : la gestion de son corps au combat. On aurait pensé les gestes de l’art martial intuitifs et naturels, ce n’est pas vraiment le cas. D’où la tentation de se poster à l’observation, en lieu de place de l’agitation verbale.

A y regarder de plus près, les mouvements amples des élèves, s’ils décrivent toujours une distance de sécurité, affirment surtout la puissance d’un corps maîtrisé. L’aïkido n’est pas affaire d’approximation. C’est la forme parfaite du geste qui donnera toute sa puissance à l’aïkidoka. Bien que l’on ait saisi que, dans cette discipline, ce n’est pas la force physique qui compte, mais la capacité à comprendre le corps de son adversaire - quitte, d’ailleurs, à utiliser la force de son opposant contre lui-même. "Vous êtes du bois, devenez de l'eau", dit souvent Christophe, difficile le relâchement, difficile de fluidifier tous ces détails… cependant que les bons élèves intègrent, dans la répétition, la dynamique du nouveau mouvement.

Et, comme dans un ballet, la moitié des aïkidokas glisse au sol, pendant que l’autre moitié tend la main pour la relever. Si la danse paraît aisée, elle demeure intellectuellement compliquée. "Je fais de l’aïkido depuis 10 ans, et je comprends que tu sois perdue. J’ai été égarée pendant environ, heu,… les trois premières années !",nous confirme Stéphan, qui insiste pour que l’on revienne. Endurance et humilité ont l’air de faire partie de l’activité. Sa brunette de voisine confirme : "Parfois tu répètes un geste, tu le répètes, mais au bout de deux ans, tu ne sais toujours pas si tu le fais comme il faut."

La voie qui libère

Si l’aïkido n’était pas un art martial, comment pourrait-on l’appeler ? On se souvient alors que le maître du dojo nous avait dit d’entrée de jeu que quand on sait se battre, peut-être qu’il n’est plus vraiment utile de se battre. La martialité n’est qu’un pan de l’enseignement. Et si l’on n’est pas sortie plus douée d’un bagage technique à exploiter contre des "méchants", on aura appris une chose : à tomber. "D’ailleurs", précise en un sourire bienveillant Christophe, "tomber est plus une histoire de mental que de physique, vous l’aurez testé." Ce que l’on peut certifier de notre expérience ? L’aïkido débarrasse d’une aliénation, celle que les choses pourraient peut-être nous échapper.

Ludwig Bartoli

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Pourquoi l’Aïkido ?

J’ai essayé de réfléchir à la question de Christophe et je crois qu’il faut commencer par une touche d’honnêteté :
On commence l’Aïkido pour différentes raisons. Untel veut simplement devenir fort, un autre rêve de paix et d’harmonie universelle, un troisième vit dans le mythe transmis par l’histoire des samouraïs. Le hasard met aussi parfois un dojo près de chez soi.
Alors oui, après quelques années d’Arts Martiaux, j’ai été séduit par l’élégance et l’efficacité de l’Aïkido mais c’est surtout pour sa philosophie de non-violence et de non compétition que j’ai commencé à pratiquer.

J’ai commencé à comprendre quelques éléments.
Mais les raisons pour lesquelles on commence sont des raisons secondaires, des explications de surface, l’écume des choses.
Je ne pense pas que ce sont les raisons pour lesquelles on persévère. Pourquoi en vérité un homme de nos jours, qui reçoit de son époque des sollicitations innombrables (travail, famille, amis, contact avec le monde entier, internet, les technologies de communications, etc…) décide-t-il de consacrer son énergie, son temps, sa vie, à l’étude de ce qui n’est à première vue qu’un art martial japonais parmi tant d’autres ?
A mon sens, cette question ne doit pas être traitée de l’extérieur, car c’est dans l’art lui-même qu’elle trouve sa réponse. Je pense avoir saisi une chose : Ce n’est en effet qu’à partir du niveau de compréhension auquel on parvient de cet art, après avoir accepté d’emprunter le chemin sinueux de son étude, que se dessine, par touches successives, la raison profonde, la raison véritable de la pratique. En d’autres termes, il n’est possible de savoir pourquoi on se met en chemin qu’une fois parcourue la plus grande partie de celui-ci. (et je n’en suis qu’au début !!!)
Il faut donc pratiquer !
Cette particularité pose tout de même un problème à qui veut bien réfléchir : si je ne peux pas comprendre pourquoi je pratique qu’après être parvenu à un niveau avancé de la pratique, qu’est-ce donc qui a motivé mes débuts et mes années d’initiation ? Par quel mystère ai-je commencé et continué, sans raison explicable, une activité à laquelle je n’avais aucun moyen de comprendre quoi que ce soit au départ? Au nom de quoi le débutant enthousiaste que je suis, a-t-il accepté de demeurer encore pratiquant le plus assidu possible et pour aussi longtemps qu’il me sera possible ; et sans véritable espoir, sur mon appétit de connaissance ?
Je n’ai pas en effet d’autre réponse qu’une sorte d’acte de foi, une quête du Graal à apporter au paradoxe qui précède. Or cette quête apparaît irrationnelle, et s’il est exact qu’elle se trouve à l’origine de la pratique il est normal alors qu’on ne sache pas expliquer pendant longtemps pourquoi l’on fait de l’Aïkido.
Cependant, si cette voie spirituelle – irrationnelle par définition – en cette discipline pousse à en entreprendre l’étude, de l’étude naît en revanche une compréhension – rationnelle par définition – des raisons profondes qui ont mené à elle.
Je trouve que cette alchimie est remarquable, mais les raisons en question ne sont pas communicables à celui qui n’a pas effectué lui-même ce début de parcours. Non pas qu’il y ait un secret qui soit jalousement gardé. Il n’y a pas de secret, je pense.
Mais il y a une condition, c’est que pour recevoir le moyen de comprendre il faut accepter de faire le chemin. Celui qui n’a pas fait le chemin peut, bien-sûr, recevoir des mots, mais il ne peut pas les entendre. Les mots ne deviennent porteurs de sens qu’au moment où l’on pratique. C’est pour cela qu’on ne peut jamais expliquer ce qu’est l’Aïkido à quelqu’un qui ne le pratique pas ou peu ou irrégulièrement. Et ce quelqu’un ne peut pas comprendre.
Et c’est pour la même raison qu’on ne peut comprendre véritablement pourquoi l’on fait de l’Aïkido avant que ne soit écoulée la trentaine d’année nécessaire à faire sortir la véritable essence de l’aïkido. Christophe semble avoir déjà touché du doigt le cœur de l’aïkido.

3 années ont passé, années de travail et d’amorce de recherche, mais si je sais un tout petit peu aujourd’hui pourquoi je fais de l’Aïkido, à quoi bon le dire ? Ceux qui n’ont pas emprunté, ou pas encore suffisamment le chemin ne peuvent entendre ces propos, et ceux qui l’ont accompli connaissent déjà intimement le paysage que peindrait si mal le pauvre vocabulaire dont je dispose.

Mais bon…
J’ai appris avec l’aïkido que l’on m’enseigne que les vraies réponses aux questions importantes sur notre existence exigent travail et sueur, elles demandent du temps, de la pratique assidue aussi.
Celui qui veut savoir doit avant tout savoir qu’il est l’artisan de son propre savoir, et ne rien attendre de l’extérieur.  L’initiation à l’Aïkido dans sa profondeur ne se pioche pas comme dans un livre les recettes de cuisine, et le champ d’étoiles reste inaccessible à qui se contente de moyens faciles. Il n’existe pas de raccourci commode à la connaissance. Seul le travail que l’on effectue sur soi-même a une chance d’apporter réponse à la question que pose Christophe.

Maintenant avec cette question, j’ai également réfléchi à pourquoi est ce long d’apprendre l’aïkido ? Pourquoi est ce si difficile ?
Là encore je peux me référer aux éclairages de Christophe.
Pas pour des raisons techniques !
Parce que nous avons des complexes. Nous avons des complexes dans notre corps, dans notre esprit, et il est toujours difficile de s’ouvrir, de s’ouvrir à l’autre.

Les premières phases d’initiations à l’Aïkido permettent la découverte de ses propres possibilités corporelles et de leur libération : déplacement, équilibre, souplesse, relâchement, force interne, respiration, concentration, perceptions, ouvertures, engagement, dépassement de soi (et j’en oublie sûrement).
Le contact harmonieux au partenaire est recherché (Ki Musubi), les fondamentaux sont transmis (Maaï, Shisei, Kokkyu, Zanshin, Kamae, …).
On apprend toute sa vie, j’espère apprendre encore longtemps…
A mon sens, quand j’essaie, au 1er niveau, de transposer l’étude de l’Aïkido et de ses valeurs dans la vie quotidienne, voilà ce que cela peut donner :

L’AÏKIDO permet de découvrir des facettes inexplorées de soi-même par le recours à des formes d’expressions non verbales. Ses champs d’actions ont également l’avantage d’évacuer le stress par l’imagination et l’évasion mais aussi de favoriser la motivation, la cohésion, l’esprit d’équipe.
L’AÏKIDO enseigne une conception de la vie basée sur l’instauration de relations positives et constructives, la maîtrise des émotions (attitude, respiration, parole), l’expression des besoins et des demandes, la mise en place de règles du jeu claires, promues et connues de tous. (Rei=respect)
L’AÏKIDO développe les sens de la perception de l’attaque en identifiant l’expression des tensions, des premiers symptômes, en repérant les facteurs menant aux conflits, en identifiant les mécanismes de « l’escalade » (Ushiro=anticipation)
L’AÏKIDO enseigne que la meilleure façon de gérer un conflit est d’entrer à sa source et de s’harmoniser avec elle en développant le sens de l’observation, en s’adaptant aux situations, aux rythmes et aux événements, en développant l’affirmation de soi, en prévenant les tensions et en parvenant à leurs résolutions, en accroissant l’écoute active, la clarté de l’expression : Ecouter, entendre et comprendre (Irimi=initiative)
L’AÏKIDO développe la respiration en puisant au cœur des rythmes de la vie afin d’aider à une meilleure synchronisation, communiquer positivement et prendre le leadership de la situation, s’engager et proposer des solutions, décider justement autour du concept gagnant/gagnant, apporter sa dynamique, relever les chalenges et motiver ses équipes (Kokyu-Ho=dynamisme)
En AÏKIDO, les clefs d’immobilisation permettent le contrôle de la situation en désamorçant la tension, en résistant à la pression, en trouvant des issues opportunes, en construisant une situation de sortie de crise, en travaillant le consensus, le « mieux vivre ensemble ». (Osae=maîtrise)

Ce qu’il faut retenir, c’est que ces valeurs, au final, permettent aux pratiquants que nous sommes, de se rencontrer et mieux se connaître, dynamisent la cohésion du groupe, canalisent les énergies, développent la confiance en soi et en l’autre, renforcent le sens de l’écoute, donnent un but et partagent une expérience unique.

Voilà une première petite réflexion sur ce sujet « Pourquoi l’Aïkido ? »
Je pourrai probablement l’enrichir dans quelques années de pratiques supplémentaires.

Cette expérience n’est pas un long fleuve tranquille et j’ai parfois été découragé, certaines fois déstabilisé, d’autres fois j’ai eu le sentiment de stagner. Mais j’arrive toujours (jusqu’à maintenant) à retrouver la motivation et à pousser de nouveau la porte de notre Dojo, comme si cette quête avait quelque chose de magnétique.
Certes, l’Aïkido est constitué d’un vaste ensemble de techniques que je n’hésite pas à découvrir, avec les yeux curieux d’un enfant.
Mais c’est surtout pour moi un outil de développement personnel qui m’aide à progresser humainement, spirituellement.
C’est la raison principale qui me pousse aujourd’hui à continuer la pratique, avec mes moyens, et à poursuivre, à mon rythme, mon petit bout d’histoire avec un petit h sur le chemin de l’Aïkido.

L’Aïkido est un art qu’il faut chercher à sublimer pour en révéler toute sa beauté et sa dimension…

Merci à Christophe d’avoir su ouvrir cette voie et de m’y accompagner…